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Page:Wagner - Tristan et Yseult, 1886, trad. Wilder.djvu/42

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ACTE DEUXIÈME

Ô breuvage fatal ! ô douleur ! ô remord !
Ô comblé de misère !
D’enfreindre, un jour, ton ordre, hélas, combien j’eus tort !
J’aurais dû t’obéir ; — la mort
Était ton oeuvre à toi, ton oeuvre volontaire.
Mais, quoi ? Je t’ai vouée au supplice d’aimer ;
Mon œuvre à moi, c’est ta honte suprême.

YSEULT.

Ton œuvre à toi ! — Non ! — tu peux te calmer ;
La reine d’amour elle même
Vint me verser ce breuvage divin ;
La reine vaillante et féconde,
Qui crée incessamment le monde ;
La vie et le trépas sont tous deux dans sa main ;
Elle tisse nos jours, de plaisir et de peine,
Elle change en amour la colère et la haine. —
J’invoquais le trépas et je voulais mourir !
La déesse a trompé mon farouche désir.
À mon coeur révolté, qu’elle prit en otage,
Elle imposa son doux servage. —
Qu’elle commande et dispose de moi ;
Je prétends désormais n’obéir qu’à sa loi ;
Esclave soumise et fidèle,
Laisse moi lui montrer mon zèle !

BRANGAINE.

Ô breuvage fatal qui te perd sans retour,
Ô funeste démence !
Pourquoi faut-il que ton amour
Te fasse, hélas, oublier la prudence ? —
Respecte ce fanal, écartant la vengeance,
Contrains ton coeur, un jour encore, rien qu’un jour ?