Page:Wailly – La Folle ou Le Testament d’une Anglaise, 1827.djvu/48

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temps, avec un de mes cousins, nommé Arthur ; c’est un secret, je ne l’ai dit à personne, excepté à toi : nous étions bien jeunes tous deux, et je l’aimais plus qu’un frère ; il était si bon, si généreux pour moi !… Auprès de lui je ne m’ennuyais jamais ; toutes les histoires merveilleuses, toutes les vieilles légendes du pays, c’était lui qui me les racontait. Nous faisions des projets pour l’avenir, je lui disais : « Tu serais mon mari, moi, je serais ta femme, et nous serions bien heureux. » Sa nourrice connaissait seule notre amitié, elle aimait à nous voir jouer ensemble. Mais, un soir, elle nous dit en pleurant : « Mes enfans, vous vous aimez trop ; vous vous préparez bien des chagrins : les projets d’union que l’on forme au berceau s’accomplissent rarement. » Nous nous sommes mis à rire, Arthur et moi. Trois jours après, il a fallu nous quitter : Arthur est monté sur un vaisseau, et je ne l’ai plus revu… mais j’ai toujours pensé à lui.

ARTHUR, troublé.

Cécile, mon amie ! tu ne l’as pas revu ?… tu ne me reconnais donc pas ?

CÉCILE, vivement.

Comment ! je ne te reconnais pas !… c’est toi qui es Arthur… je t’ai reconnu tout de suite.

ARTHUR.

Ah ! Cécile ! je suis bien coupable, chaque mot de votre bouche me rend plus criminel encore, pourrez-vous jamais me pardonner.

CÉCILE.

Te pardonner ! Ah ! oui ! quand on me prie je pardonne toujours. Il est si cruel de se voir refuser !