Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/398

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n’était pas en général confié au copiste. En effet, l’on voit beaucoup de manuscrits dont les lettres initiales sont restées en blanc ; ailleurs, ce sont des titres ou des vignettes, dont le trait seul est marqué. Il n’existe qu’un petit nombre de manuscrits qui soient tout entiers en lettres d’or, comme les heures de Charles le Chauve ; mais souvent cette encre précieuse a été employée pour tracer les premières pages, les titres, les initiales des alinéa ou les passages remarquables. Il peut arriver alors que le vélin soit teint en pourpre dans ces différentes parties. L’encre d’or a été particulièrement employée du viiie au xe siècle, et surtout dans les missels et les livres saints. Pour assurer la régularité de ces caractères, on traçait à chaque ligne deux raies blanches, qui fixaient la hauteur des lettres. Dans les manuscrits ordinaires on se contentait d’une seule ligne horizontale, sur laquelle s’appuyait la base de l’écriture. Les lettres d’or, qui avaient été rarement employées du xie au xiiie siècle, reprirent faveur dans les trois siècles suivants. Mais alors, au lieu d’encre métallique, on appliquait ordinairement sur le vélin des feuilles d’or, qui servaient aussi pour les ornements. Cet usage remonte au moins jusqu’au xie siècle.

L’encre d’argent s’employait peut-être plus fréquemment que l’encre d’or sur les vélins pourprés. Les lettres argentées laissent souvent paraître, en s’effaçant, un fond vert sur lequel on découvre à peine quelques traces du métal. Quelquefois elles paraissent noires, soit que l’application de l’encre métallique ait altéré la couleur du vélin pourpré, soit qu’on ait essayé de retracer à l’encre les caractères qui s’effaçaient, soit que la couleur noire ait été emplovée comme le vert et le rouge, pour servir de base aux écritures métalliques. Ce qu’il y a de sûr, c’est que les Anglo-Saxons peignaient souvent sur un fond noir leurs lettres historiées. Et d’ailleurs la nature des vernis et des encres a pu donner lieu à quelques-unes de ces réactions chimiques qui transforment complètement les couleurs. Le vermillon ou cinabre a été beaucoup plus employé que les encres métalliques, pour distinguer les titres, les initiales, les tables ou les passages remarquables des manuscrits. Cette couleur a quelquefois l’inconvénient de se détacher et de maculer la page opposée. Selon les Bénédictins, un manuscrit dont les quatre ou cinq premières lignes sont en onciale rouge appartient ordinairement au ve ou au vie siècle, tandis que, dans les manuscrits du viie et du viiie siècle, on écrivait plutôt en rouge les titres que les premières lignes de l’ouvrage.

Ce serait ici l’occasion de parler des lettres ornées qui se rencontrent si fréquemment dans les manuscrits ; mais pour traiter clairement ce sujet il aurait fallu mettre sous les yeux du lecteur des modèles, dont la reproduction aurait entraîné des dépenses considérables. Il règne en effet une grande diver-