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il donna Le Nouveau Monde, drame en cinq actes, où Francisque Sarcey releva « plusieurs traits absolument cornéliens ». « Malgré le talent dépensé dans ces diverses œuvres, Villiers ne connaissait pas le succès littéraire : la bizarrerie de son imagination, le mépris de la critique, sa vie de pur artiste dédaigneux de l’opinion vulgaire et se refusant aux concessions, éloignaient le public de son œuvre ; les lettrés commençaient cependant à reconnaître l’intensité singulière de ses conceptions, inquiètes et tourmentées comme sa vie. Les Contes cruels, parus en 1883, écrits dans une langue magnifique, pleine d’harmonie d’éclat, sont bien près d’être un chef-d’œuvre. En 1885 paraissent Akedyssèril et Axel. Deux romans, L’Amour suprême et L’Eve future (1886), « l’un des rares livres immortels de la fin du XIX siècle », caractérisent aussi le talent subtil de Yilliers de L’Isle-Adam. Tribulat Bonhomet parut en 1887, Le Secret de l’èchafaud en 1888, ainsi qu’Histoires insolites et Nouveaux Contes cruels. Le Théâtre-Libre joua, en 1887, L’Évasion, petit drame en un acte. Villiers, dont la vie avait été pauvre et fière, ne parvint pas à forcer la gloire ; injustement dédaigné de la foule, il mourut à l’hôpital des Frères de Saint-Jean-de-Dieu. »

Villiers de L’Isle-Adam semblait vivre dans un songe, au milieu des rêves d’une puissante et ironique imagination. Et cet état d’âme se révélait dans sa conversation et dans son œuvre. Celle-ci, dont sa conversation était comme « le premier état », mélangeait à la raillerie la plus cruelle la plus haute éloquence. « Villiers écrivain, comme Villiers causeur, fut surtout un grand orateur, et certains discours, dans Azel, dans Akedyssèril, sont comparables aux plus belles harangues de Tacite ou d’Homère. Son style est toujours nombreux, d’une allure presque classique ; souvent il ; s’agrandit encore, se sculpte en (ormes amples. On s’étonne alors que l’ironie, cette grimace, s’encadre dans l’éloquence, cette forme souveraine. Cela fait songer aux images grotesques que forment parfois les grands rochers… » (georges Rodenbach, L’Elite.)

PRIMAVERA

Voici les premiers jours de printemps et d’ombrage,
Déjà chantent les doux oiseaux ;
Et la mélancolie habite le feuillage ;
Les vents attiédis soufflent dans le bocage
Et font frissonner les ruisseaux.