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IX
PRÉFACE

Le rythme de ce vers s’est enrichi, bien loin d’avoir été faussé et supprimé. Nous ne pouvions qu’applaudir à cette innovation, la seule admise sans conteste, précisément parce qu’elle ne compromet pas l’harmonie propre au vers français, la structure rythmique de celui-ci. Les infractions aux lois du rythme, bien que supérieurement utilisées par Hugo dans les drames et les récits dramatiques pour rendre les mouvements désordonnés de l’âme, avaient paru trop périlleuses aux poètes de ma génération pour se faire sans réserve adopter par eux. En somme, nous avions choisi pour modèle, spontanément, la versification de Théophile Gautier et de Leconte de Lisle. Ce dernier fut notre maître avoué ; c’est de lui que nous nous réclamions de préférence. Grande fut donc notre surprise, plus grande, à vrai dire, que notre inquiétude, quand, à la fin du siècle dernier, nous vîmes se répandre une littérature qui se donnait pour être des vers, mais dans laquelle nous ne reconnaissions pas ce que nous nommions ainsi. Ses inventeurs reprochaient plus d’un vice à la versification traditionnelle, et ils en déploraient amèrement l’insuffisance et la vétusté. Une inspiration neuve exigeait, pensaient-ils, un instrument renouvelé, rajeuni : une réforme s’imposait. Ils ne rencontrèrent qu’une opposition molle en dépit des répugnances ; ils furent ménagés, et de la sorte encouragés par des critiques très autorisés. Je ne leur fis d’abord nulle concession, et j’eus tort, car les règles de la poétique généralement admise