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« Courage, amis ; tirez, mes bœufs !
Encore un tour ou deux peut-être,
Tio ! tio ! holéha holé !
Et vous irez aux prés herbeux
Jusqu’à demain dormir et paître,
Tio ! tio ! bip ! »

L’attelage gravit la côte, raffermi
Au rythme caressant de ce langage ami
Qui berce doucement sa fatigue trompée.
Et le vieux laboureur, qu’aussi la mélopée
Ranime pour guider le soc d’un effort sûr,
Un pied dans le sillon, l’autre sur le sol dur,
Dans sa marche inégale aux bras de la charrue
Se courbe, en arrosant de sa sueur, accrue
Parle soleil qui monte au plein ciel de l’été,
Son œuvre de puissance et de fécondité.

(Aux Champs et au Foyer.)


BRUIT DE CHAR


L’horizon, lac de pourpre où le soleil se plonge,
Blesse par trop d’éclat mes yeux endoloris ;
Voici que des hauteurs l’ombre descend, s’allonge
Sur la plaine où déjà s’appellent les perdrix.

Et d’instant en instant le crépuscule ronge
Les dernières lueurs au flanc des coteaux gris :
Heure du vol muet de la chauve-souris ;
Heure où dans l’âme en paix éclôt la fleur du songe.

Solitude et silence alentour… Seulement,
Du plus profond des bois obscurs un roulement
De chariot m’arrive en rumeur incertaine…

Sais-je pourquoi, le cœur serré sous un poids lourd,
Avec anxiété j’écoute ce bruit sourd
Et saccadé d’un char sur la route lointaine ?

(Aux Champset au Foyer.)