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rieur, des apparences et des problèmes de formes et de procédés. Son esprit mélancolique semblait toujours absorbé par les questions que lui posait « l’homme intérieur qui songeait en lui »•

Après avoir publié des poèmes dans la Revue fantaisiste de M. Catulle Mendès, M. Sully Prudhomme collabora également à Y Art, journal fondé, vers cette même époque, par l’auteur de Ciel, Rue et Foyer, et qui se transforma bientôt en une publication périodique en vers : Le Parnasse Contemporain.

À la différence de bien des Parnassiens « partis alors en exploration dans les vieux temples de l’Inde et d’ailleurs », M. Sully Prudhomme s’occupait surtout de l’homme moderne. Il avait, de plus, des curiosités, des inquiétudes scientifiques et philosophiques. Leconte de Lisle, qui avait la plus haute estime, la plus sincère admiration pour son talent, disait souvent : « Certes, Sully Prudhomme est un poète, mais il n’est pas de la maison ; » voulant dire par là qu’il n’était pas tout à fait du Parnasse. M. Sully Prudhomme appartenait bien cependant au grand mouvement parnassien par ce respect de l’art, ce mépris de l’exécution facile, cette « haine du débraillé poétique », cette « recherche de la beauté parfaite » qui, comme le dit fort justement M. Catulle Mendès, constituait le seul trait commun à tous les Parnassiens [1].

La publication du second Parnasse, préparée en 1869, fut, à cause de la guerre, ajournée à 1871, et les terribles événements de 1870 eurent leur douloureuse répercussion dans l’âme des poètes. Engagé dans la garde mobile pendant le siège de Paris, {{M.[Sully Prudhomme}} fit paraître dans la Revue des Deux-Mondes quelques pièces réunies plus tard sous le titre d’Impressions de la guerre, et, dans ses beaux sonnets de la France, prenant sa part du deuil immense qui frappait la patrie, il exhortait la nouvelle génération à « grandir sans reproche et sans peur ».

En 1872, M. Sully Prudhomme publiait son deuxième volume : Les Solitudes, Les Epreuves, Croquis italiens. « Ici, écrit M. André Lemoyne, non seulement l’auteur garde son titre sacré de poète, mais il devient en outre un merveilleux virtuose. Le doigté est précis et puissant. L’organiste parcourt en maître souverain toutes les notes de l’immense clavier. »

  1. Théophile Gautier disait de lui : « Ses moindres pièces ont ce mérite d’être composées, d’avoir un commencement, un milieu, une fin, de tendre à un but, d’exprimer une idée précise. » Et nous lisons dans le Testament poétique : « Aujourd’hui, l’improvisation est impossible… La feuille où j’ai écrit le Vase brisé est couverte de ratures : c’est la sincérité même de ma tristesse qui m’obligeait à des corrections répétées pour en atteindre l’expression exacte. »