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Et là je fus broyé par une lourde pierre
Qui tournait au chant du moulin.

« Il ne resta de moi qu’une fine poussière.
Mais ma force brisée y sommeillait entière,
Et je rêvais, calme, attendant,
Lorsqu’un être inconnu, m’ayant pris à poignées,
Mouillé, pétri, malgré mes plaintes indignées,
Me plongea dans un four ardent.

« Je palpitai d’horreur sur la pelle rougie
Où s’évanouissait ma dernière énergie ;
Cette fois j’étais bien dompté.
Je mourus… Mais le souffle embrasé de la flamme
En moi sut éveiller, 0 merveille, une autre âme,
Et soudain je ressuscitai I

« Alors je fus le pain qui donne à tous la vie ;
Et c’est joyeusement que je me sacrifie,
Car en toi, peuple, je vivrai !
Ton sort ressemble au mien : je veux qu’il s’accomplisse.
On t’a fauché, meurtri, broyé ; mais ton supplice
Enfantait l’avenir sacré.

« Tu mourus mille fois, mais toujours pour revivre.
A cette heure, le souffle éperdu qui m’enivre
Nous annonce les temps rêvés.
A l’œuvre, ô travailleurs du siècle qui commence !
Je viens vous soutenir dans votre tâche immense :
Prenez-moi, mangez et vivez ! »

Voilà ce que le pain dit à qui veut l’entendre.
Peuple, écoute monter son appel grave et tendre
De l’ardente splendeur du four !
Offre le pain de vie à quiconque en demande,
Et la terre, demain, ne sera pas trop grande
Pour ce vaste banquet d’amour !


EXTRAIT DE LA MUSE ET L’OUVRIER


… Pour édifier ta nouvelle maison,
Peuple, il faut que la claire et sereine Raison
Pénètre ton esprit, t’illumine et te guide,