Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t2, 8e mille.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

théories, Laforgue a voulu « affranchir le vers » ; mais leurs vers furent bien différents de par leurs organisations et leurs buts dissemblables. « Dans un affranchissement du vers, nous dit M. Kahn, je cherchais une musique plus complexe, et Laforgue s’inquiétait d’un mode de donner la sensation même, la vérité plus stricte, plus lacée, sans chevilles aucunes, avec le plus d’acuité possible et le plus d’accent personnel, comme parlé. Quoiqu’il y ait beaucoup de mélodie dans les Complaintes, Laforgue, se souciant moins de musique (sauf pour évoquer quelque ancien refrain de la rue), négligeait de parti pris l’unité strophe, ce qui causa que beaucoup de ses poèmes parurent relever, avec des rythmes neufs à foison, et tant de beautés, de l’école qui tendait seulement à sensibiliser le vers, soit celle de Verlaine, Rimbaud et quelques poètes épris de questions de césure, doués dans la recherche d’un vocabulaire rare et renouvelé. Je crois que dès ce moment, et à ce moment (surtout, mes efforts portèrent sur la construction de la strophe , et Laforgue s’en écartait délibérément, volontairement, vers une liberté idéologique plus grande qui le devait conduire à cette phrase mobile et transparente, poétique certes, des poignantes Fleurs de bonne volonté. »

Jules Laforgue fut un esprit pleinement original. Il a vu et senti bien des choses à sa manière, et il serait difficile de lui assigner des ancêtres directs. « On trouve chez lui, dit M. Camille Mauclair, telles strophes qui sont des commencements de poèmes infinis, des débuts de sensations immortelles. »



COMPLAINTE SUR CERTAINS ENNUIS

 
Un couchant des Cosmogonies !
Ah! que la Vie est quotidienne...
Et, du plus vrai qu’on se souvienne.
Comme on fut piètre et sans génie...

On voudrait s’avouer des choses
Dont on s’étonnerait en route,
Qui feraient une fois pour toutes
Qu’on s’entendrait à travers poses.

On voudrait saigner le Silence,
Secouer l’exil des causeries ;
Et non ! ces dames sont aigries
Par des questions de préséance.