RAOUL GINESTE 429
Le délicieux volume Soirs de Paris, paru en 1903, contient nombre de pièces fines, d’une exécution soignée, artistiques notations de détails familiers ; théâtreux et théâtreuses, snobs et snobinettes défilent dans des décors adorablement parisiens ; l’auteur fustige d’une main légère les petits travers de ses contemporains.
Poète en somme très original, doué d’une sensibilité fort délicate, esprit non exempt d’ironie et prompt à saisir le détail pittoresque et caractéristique, tel nous apparaît le sympathique auteur du Rameau d’or, de Chattes et Chats et de Soirs de Paris.
FAIBLESSE
Je n’ai pas osé contempler les cieux,
Ayant peur de voir s’entr’ouvrir les voiles
Qui me font aimer les blondes étoiles.
— Il était si beau, l’azur de ses yeux!
Je n’ai pas osé scruter le mystère
De l’immensité, désert effrayant
Où s’est égaré plus d’un cœur vaillant.
— Près d’elle, j’étais si bien sur la terre !
Je n’ai pas osé penser à demain ;
Qu’importe le temps . Qu’importe l’espace ?
Fallait-il songer que tout meurt et passe
Quand sa main si douce était dans ma main !
J’ai voulu laisser aux âmes plus fortes
Le savoir amer dun soleil éteint ;
Moi qu’une tristesse indicible atteint
Rien qu’à voir tomber quelques feuilles mortes.
{Le Rameau d’or.)
LA FILEUSE
Le rouet tourne, et la fileuse chante
Une chanson très lente et très dolente.
L’aïeule, au coin du feu, s’est endormie
En murmurant : « Chante encore, ma mie,