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Et sur les fleurs et sur les vierges indécises
Il neige lentement d’adorables pâleurs.

Toute rose au jardin s’incline, lente et lasse,
Et l’âme de Schumann errante par l’espace
Semble dire une peine impossible à guérir…

Quelque part une enfant très douce doit mourir…
O mon âme, mets un signet au livre d’heures,
L’Ange va recueillir le rêve que tu pleures.

{Au Jardin de l’Infante.)

X : IL EST D’ÉTRANGES SOIRS…

Il est d’étranges soirs où les fleurs ont une âme,
Où dans l’air énervé flotte du repentir,
Où sur la vague lente et lourde d’un soupir
Le cœur le plus secret aux lèvres vient mourir.
Il est d’étranges soirs où les fleurs ont une âme,
Et ces soirs-là, je vais tendre comme une femme.

Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Où l’âme a des gaîtés d’eaux vives dans les roches,
Où le cœur est un ciel de Pâques plein de cloches,
Où la chair est sans tache et l’esprit sans reproches.
Il est de clairs matins, de roses se coiffant.
Ces matins-là, je vais joyeux comme un enfant.
Il est de mornes jours où, las de se connaître,
Le cœur, vieux de mille ans, s’assied sur son butin,
Où le plus cher passé semble un décor déteint,
Où s’agite un vague et minable cabotin.
11 est de mornes jours las du poids de connaître,
Et, ces jours-là, je vais courbé comme un ancêtre.
Il est des nuits de doute, où l’angoisse vous tord,
Où l’âme, au bout de la spirale descendue,
Pâle et sur l’infini terrible suspendue,
Sent le vent de l’abîme et recule éperdue !
Il est des nuits de doute, où l’angoisse vous tord,
Et, ces nuits-là, je suis dans l’ombre comme un mort.

(Au Jardin de l’Infante.)