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« Les poèmes plus récents de M. Bataille ne semblent pas contrarier cette impression : il y demeure le rêveur nerveusement triste, passionnément doux et tendre, ingénieux à se souvenir, à sentir, à souffrir.., « Puis, caractérisant cette belle œuvre, La Lépreuse : « La Lépreuse est bien le développement naturel d’un chant populaire ; tout ce qui est contenu dans le thème apparaît à son tour, sans illogisme, sans effort. Cela a l’air d’être né ainsi, tout fait, un soir, sur des lèvres, près du cimetière et de l’église d’un village de Bretague, parmi l’odeur âcre des ajoncs écrasés, au son des cloches tristes, sous les yeux surpris des filles aux coiffes blanches. Tout le long de la tragédie, l’idée est portée par le rythme… C’est une œuvre entièrement originale et d’une parfaite harmonie. Le vers employé là est très simple, très souple, inégal d’étendue et merveilleusement rythmé : c’est le vers libre dans toute sa liberté familière et lyrique… »

M. Henry Bataille a donné, en outre, au théâtre : Ton Sang, L’Enchantement, Maman Colibri, La Marche Nuptiale, Résurrection, poliche, et un opéra, en collaboration avec M. Sylvio Lazzari, La Lépreuse. Ses comédies se distinguent par l’aisance du dialogue, le style à la fois serré et fin, d’une désinvolture aiguë et charmante ; elles fourmillent de mots spirituels et profonds d’auteur dramatique.

LA FONTAINE DE PITIÉ

Les larmes sont en nous. C’est la sécurité
des peines de savoir qu’il y a des larmes toujours prêtes.
Les cœurs désabusés les savent bien fidèles.
On apprend, dès l’enfance, à n’en jamais douter.
Ma mère à la première a dit : « Combien sont-elles ? »
Des larmes sont en nous, et c’est un grand mystère.
Cœur d’enfant, cœur d’enfant, que tu me fais de peine
à les voir prodiguer ainsi et t’en défaire
à tout venant, sans peur de tarir la dernière !
Et celle-là, pourtant, vaut bien qu’on la retienne I

Non, ce n’est pas les fleurs, non, ce n’est pas l’été
qui nous consoleront si tendrement, c’est elles.
Elles nous ont connus petits et consolés.
Elles sont là, en nous, vigilantes, fidèles.
Et les larmes aussi pleurent de nous quitter.