Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/390

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Et l’amer sentiment qu’ici-bas tout finit.
Que la feuille s’envole avec l’herbe du nid,
A l’heure où la forêt, veuve d’ombre, abandonne
Sa parure éphémère aux souffles de l’automne,
Cette angoisse des cœurs, si prompte à les saisir
Qu’elle devrait glacer aux veines le désir,
Bien au contraire ajoute à sa toute-puissance…
— Rien ne lasse l’Amour, rien, pas même l’absence, Tu le sais, puisque loin de toi je rêve encor A ton visage pur nimbé de rayons d’or.

(Vert inédits.)

LA BRÈVE JOURNÉE

Laissant derrière nous la lépreuse banlieue
Et l’uniformité grise de ses maisons,
Nous gagnâmes, hier, curieux d’horizons,
Les coteaux qui, lù-bas, dressent leur crête bleue.

Et ce fut l’ombre fraîche où juin chante et fleurit,
Où dorment les étangs sous les dais verts des feuilles,
Le bois enguirlandé de grimpants chèvrefeuilles
Où jadis, sans amour, j’errai comme un proscrit.

Dans la clairière éclôt la frêle pâquerette
Qu’on interroge A deux par les chemins étroits
Et des taillis profonds s’élèvent, par endroits,
De fins bouleaux d’argent à la cime en aigrette.

Respirant l’air chargé d’aromes forestiers,
Nous allions ; et nos mains tendres s’étaient unies ;
Sous le mouvant arceau des branches rajeunies,
Nous suivions à pas lents la courbe des sentiers.

Nous nous sommes assis sur un tapis de mousse ;
Des fraises rougissaient dans l’herbe, sous nos pas.
Rapprochés l’un de l’autre, et ne nous parlant pas,
Nous rêvions de fixer l’heure fuyante et douce !

Tes yeux bleus étaient tout songeurs.
Et tu cueillis, Gracieuse, au buisson, de blanches fleurs de mûres ;
Cependant qu’au-dessus de nous, dans les ramures,
S’éparpillait un vogue et charmant gazouillis…