Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et colorés, évoquant si juste, fleurant si bon, si frais, la vraie Nature campagnarde… »

« Ce n’est point, nous écrit M. Auguste Gaud, pour les snobs et les raffinés qui ne fréquentent que les cénacles parisiens, ni pour ceux qui s’obstinent à ne considérer la poésie que comme une fleur aristocratique, à l’éclat éphémère et morbide, et ne pouvant éclore que sur le fumier des décadences, que je me suis décidé à publier mes poèmes rustiques où j’ai mis tout mon ardent amour pour la Terre natale, et où l’on retrouvera comme un écho des refrains qui bercèrent mon enfance.

« Issu de souche paysanne, c’est à l’orée des champs et des bois, où vibre, mâle et sonore, la voix des pâtres et des laboureurs dans la solitude des brandes poitevines fleuries de genêts et d’ajoncs, au milieu des gras pâturages où gambadent les mules et les pouliches ; sous les peupliers frissonnants, au bord des mares glauques et des sources fraîches, que j’ai composé ces vers, tout imprégnés de la salubre odeur des labours et des moissons et de l’agreste parfum des herbes sauvages.

« Et c’est au clair soleil de chez nous, dans la mer bruissante des épis, à côté des vaillants moissonneurs courbés sur les sillons ; à travers la plaine où sous les bises cinglantes de l’automne je marchais derrière les bœufs roux, ou pendant les longues veillées d’hiver, en écoutant devant l’âtre les vieilles fileuses de quenouille, recroquevillées par l’âge, que j’ai recueilli ces naïves mélopées campagnardes.

« Je garde l’espoir que mes frères et mes sœurs de la glèbe n’accueilleront pas avec indifférence cette timide chanson d’un humble grelet du pays mellois, qui s’est efforcé de traduire leurs joies, leurs amours et leurs tristesses, dans une langue aussi simple que leur âme ingénue et limpide comme le cristal des fontaines que l’on voit jaillir au pied des chênes.

« Je me suis d’ailleurs inspiré de cette profonde pensée de l’un de nos plus grands poètes, Lamartine :

« C’est par le cœur qu’il faut élever le peuple au goût et à la culture des lettres. L’évangile du sentiment est comme l’évangile de la sainteté. Il doit être prêché aux simples et dans un langage aussi simple que le cœur d’un enfant. »