Page:Walch - Poètes d’hier et d’aujourd’hui, 1916.djvu/480

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Là-haut, dans la clarté parfaite, je le souffre !
Quand un juste se meurt dans le deuil et la nuit,
J’agonise dans l’ombre et je meurs avec lui ;
Vos discordes, vos cris de meurtre et de rapines,
Me tressent sur le front des couronnes d’épines ;
Tous les êtres meurtris par vous, estropiés,
Font revivre les clous infâmes dans mes pieds ;
Tous les crimes d’en bas ravivent mon supplice ;
Et quand au noir poteau tous les bons sont liés,
               Quand l’injustice,
Au masque bestial, raille le ciel divin,
Quand un malheureux dit : « Frère, je meurs de faim ! »
Quand, dans la nuit où rampe l’imposture,
On pervertit, on ment et l’on torture,
Et qu’on tue, et qu’on souille, et qu’on éteint les voix,
C’est moi qu’on crucifie une nouvelle fois.

{La Divine Folie.)

L’ENNEMIE


Éternel, Dieu des cœurs robustes, fixe-moi,
Contemple mes tourments, ma crainte et mon émoi,
Ma douleur, et ma paix à jamais endormie.
Je fus vaincu, mais vois quelle était l’ennemie
Qui s’attachait sans cesse à chacun de mes pas !
Tu vois, Dieu fort, les maux jaloux et les combats
Que j’ai dû, sans arrêt, sans repos et sans trêve,
Subir contre la femme ardente aux yeux de rêve !
Tu vois de quel attrait mon œil fut alléché!
Tu vois mon mal, tu vois mon crime et mon péché,
Tu vois sous quel fardeau tomba ma chair rebelle !
Mais pourquoi, Dieu puissant, la fites-vous si belle ?
Pourquoi mettre en ces yeux tout l’attrait de l’azur,
La magie invincible, et ce doux charme obscur
Qui s’exhale des corps pétris dans l’ineffable ?
Pourquoi dans cette chair damnée et périssable
Mettre tout linfini de l’amour et du ciel ?
Sa lèvre est comme un fruit divin au goût de miel
Les roses, dont l’odeur fait défaillir le monde,