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LA LEÇON MATERNELLE.

plus ravissante époque de sa vie ! Chaque matin les deux frères renouvelaient les fleurs les plus rares contenues dans un vase placé sur la table où ils recevaient leur leçon ; et tandis que l’heureuse mère, un bras posé sur les épaules d’Arthur, lui faisait lire le Petit Poucet ou Cendrillon, Frédéric, debout auprès d’eux s’habituait à parcourir la Petite Glaneuse ou le Petit Joueur de violon. Avec quelle ivresse l’excellente mère donnait alors sa leçon ! Avec quelle ardeur s’appliquaient les deux charmants enfants !

Au bout de trois mois, les deux frères, non-seulement lisaient couramment, mais possédaient les premières notions de ce qui compose une instruction véritable.

À cette époque, le colonel Darmincourt revint de son régiment, et retrouva sa femme dans la même solitude où elle avait promis de rester jusqu’à ce que ses deux fils fussent en état de lire à livre ouvert. Elle convoqua donc, dès le lendemain de l’arrivée de son mari, un grand nombre de leurs amis, propres à former un comité d’examen, et fit paraître devant eux ses deux élèves, dont les manières avaient déjà quelque chose de plus posé, et dont le langage offrait des expressions mieux choisies, Frédéric parut le premier dans la lice : on lui présente un grand in-8o qu’il ouvre au hasard et dans lequel il lit, sans se tromper, deux pages du Telémaque de Fénelon ; il est couvert d’applaudissements.

Arthur ensuite s’avance ; il lit avec non moins d’assurance que son frère, et surtout avec une expression ravissante, le joli conte de madame d’Aulnoy, intitulé Gracieuse et Percinet, pris au hasard dans son charmant recueil, et qui prouve le charme que possède une tendre mère pour instruire ses enfants tout en les amusant. Cet heureux à propos fait redoubler rassemblée d’applaudissements, qui vont droit au cœur de madame Darmincourt. Elle prie alors