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colliberts.

petit fusil de chasse, auquel un papier était attaché. Pierre ne savait pas lire ; il appela son père, qui, avec bien de la peine, parvint à épeler ces mots : La Providence envoie ceci à Pierre, parce qu’il a fait hier une bonne action.

Émeriau croisa les bras, ses sourcils noirs et épais se froncèrent ; mais il ne dit rien, et Pierre courut tout joyeux raconter à sa mère que le Ciel venait de lui faire don d’un beau fusil et d’une carnassière plus jolie que toutes celles qu’il avait vues jusqu’alors. Il chargea son fusil, et passa la journée à conduire son petit canot et à tirer les oiseaux de mer qu’il voyait voler à peu de distance. Il styla une petite chienne nommée Bianca, à lui rapporter le gibier qui tombait sur le rivage ou sur les bords de la mer, et il devint bientôt aussi habile à la chasse qu’à la pêche.

Un an après, Pierre aperçut, en sautant un matin dans son canot, un paquet assez volumineux : Oh ! c’est pour moi ! s’écria-t-il en saisissant un papier où il épela cette fois lui-même : La Providence veille sur Pierre. Le paquet contenait un habillement complet de matelot. Pierre sauta de joie et courut au bateau ; sa mère l’aida à s’habiller, et le trouva si beau, qu’elle pria en grâce son mari d’aller passer les fêtes de Pâques chez le père de Loubette.

Le bateau d’Émeriau était alors mouillé près des marais ; il y consentit ; peut-être partageait-il aussi l’orgueil de sa femme, et était-il bien aise de montrer à son frère la force et la grâce de son fils. On nous croit des sauvages sans tournure et sans manières, pensait-il ; on verra si les flots, le travail et la solitude ont fait de Pierre une brute !

Les fêtes de Pâques arrivèrent ; Émeriau, suivi de sa famille, fit prendre à son bateau le chemin qui conduisait aux marais, et au bout de quelques heures il fut à la porte de son frère. Une petite fille de huit à neuf ans était assise sur le seuil, elle filait ; c’était Loubette ! La joie fut grande