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LE BATEAU À VAPEUR.


LE BATEAU À VAPEUR.



Il est de ces distances sociales qu’il nous faut souvent oublier, surtout lorsque le hasard se plaît à mettre notre niveau ceux que nous regardons comme nos inférieurs. Au champ d’honneur et sous la mitraille, tout jeune conscrit, pauvre et d’une obscure naissance, est l’égal du fils de famille qui combat à ses côtés. Les jeunes aspirants de la marine, sur un vaisseau de ligne, ne se font distinguer que par leur bravoure et leur adresse à la manœuvre. Tous les élèves d’un lycée jouissent des mêmes prérogatives, et dans leurs jeux, comme dans leurs exercices scolastiques, ce sont les plus intelligents et les plus laborieux qui seuls occupent les premiers rangs. Mais c’est surtout dans les endroits publics, où chacun paye un prix égal, c’est à l’église où l’on prie, aux promenades publiques où l’on se presse, enfin c’est sur les bateaux à vapeur où nulle place n’est réservée, où tout voyageur essuie également les éclats de l’orage qui survient et les atteintes des flots agités, qu’on acquiert cette conviction que chaque être tient son coin sur la terre.

Une anecdote assez remarquable dont je fus le témoin, il y a quelques mois, sur la bateau à vapeur de Paris, à Melun, prouvera la vérité de ce que j’avance, et pourra servir de leçon aux jeunes présomptueux qui s’imaginent