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colliberts.

lèvres et des larmes dans les yeux, ils sautèrent sur le rivage, où le bateau venait de toucher, et en peu de moments ils furent de retour à la hutte.

Plusieurs jours s’écoulèrent, jours de paix et de bonheur, qui laissèrent dans le cœur de Pierre et de Loubette une trace ineffaçable. Ce que l’un voulait, il était bien rare que l’autre ne le voulût pas. Jamais de mots aigres, jamais de bouderies entre eux. Loubette était douce et prévenante ; Pierre, qui n’avait d’autre défaut que celui d’être emporté, réprimait la vivacité de son caractère et était toujours prêt à sacrifier ses goûts à ceux de Loubette. Il lui demandait chaque matin :

— Que veux-tu faire aujourd’hui, petite sœur ? et il ne la contredisait jamais.

— C’est une enfant, disait-il souvent à son père, elle est bien plus jeune que moi ; je dois donc la protéger et la rendre heureuse dans tout ce qu’elle désire.

— Si je te laissais ici longtemps, lui répondait alors son père, tu deviendrais aussi doux, aussi poli que les messieurs des villes : ce n’est pas cela qu’il me faut dans notre bateau. J’ai besoin d’un bon travailleur, et j’ai peur que tu ne prennes ici l’habitude de la fainéantise.

Pierre sentait au fond du cœur que son père avait raison, et qu’il aurait peut-être de la peine à se remettre au travail et à se trouver parfaitement heureux dans son bateau solitaire.

— Nos enfants seront le soutien de notre vieillesse, disait l’oncle en regardant Pierre et Loubette marcher l’un près de l’autre, se tenant par la main.

— Il en sera ce que Dieu voudra, répétait Émeriau en tapant sur l’épaule de son frère ; mais nous avons du temps devant nous, et il y aura bien du poisson de séché au soleil, d’ici là.