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colliberts.

autour de lui. L’enfance de Pierre s’était passée dans le travail ; il n’avait jamais connu ce qu’on appelle les heures de récréation, il ne s’était jamais amusé avec un joujou : les toupies, les cerceaux, les quilles, les cerfs-volants, les tambours, les ballons, les chevaux de bois, tout cela lui était inconnu. Et maintenant qu’il entrait dans l’adolescence, car il était dans sa quinzième année, il n’avait d’autre livre pour se distraire qu’un livre de prières, et il les savait toutes par cœur, à force de les avoir épelées avant de pouvoir les lire couramment.

Il était plus de midi lorsque l’oncle arriva ; il s’enferma avec Émeriau et sa femme ; et Pierre, inquiet sans trop savoir pourquoi, s’assit à l’autre bout du bateau.



vi. — Le Départ.


Peu à peu la voix d’Émeriau s’éleva et laissa échapper le nom de Pierre ; l’enfant saisit différentes phrases sans suite, dont le vent lui apportait des mots brisés.

— On parle de moi, pensait-il en prêtant l’oreille ; puis il s’éloignait, car il savait qu’il est mal d’écouter ; et, pour se distraire, il essayait de jeter ses filets ; mais il revenait malgré lui vers la cabane, où les voix se faisaient de plus en plus entendre… Enfin elle s’ouvrit, Émeriau en sortit ; il alla droit à son fils, et, lui secourant fortement la main, il dit :

— Il faut que tu nous quittes, mon enfant.

Une larme brilla dans les yeux du père, la première que Pierre eût encore aperçue. Pierre tressaillit et le regarda.