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Page:Waldor - Heures de récréation, 1890.pdf/31

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colliberts.

sac d’argent. Ce vénérable vieillard se charge de t’instruire ; tu t’y attacheras.

La mobile physionomie de Pierre s’éclaircit tout à coup, son regard humide brilla d’un vif éclat, et une grande partie du chagrin qu’il éprouvait en songeant qu’il allait quitter ses parents, se perdit dans la joie de ne pas être envoyé dans une de ces grandes villes qui lui avaient toujours semblé de véritables prisons ; l’idée de revoir Loubette et sa bonne tante, qui lui était une seconde mère, adoucit les regrets qu’il donnait au bateau paternel. Il s’assit à l’avant du bateau, essuya de nouveau son fusil, réunit autour de lui son sac de plomb, sa poudrière, les mit en bon état, puis il fit avec soin un paquet de ses vêtements ; mais lorsque sa mère vint y glisser une petite bourse de cuir jaune renfermant toutes ses épargnes, il jeta ses bras autour du cou de cette bonne mère, et, le cœur gros d’émotion, il mêla ses larmes aux siennes… Qu’elle eût dit un mot alors, et il serait resté, sans que le souvenir de Loubette fût venu attrister la joie qu’il aurait éprouvée à ramener le sourire sur la douce et respectable figure de la digne femme qui l’avait mis au monde, qui l’avait nourri de son lait, et l’avait veillé tant de nuits lorsque les dents le faisaient souffrir, et qu’elle n’avait pour apaiser ses cris, que des baisers et des chansons.

— Oh ! pensait Pierre, rien n’est bon comme une mère, rien ne nous aime comme une mère ! et il serrait la sienne sur son cœur, et il pleurait sans pouvoir s’en empêcher ! Mais la pauvre femme avait promis de se résigner : elle chercha à le consoler, essuya ses larmes et les siennes, puis elle l’engagea à partir avant que la journée fût trop avancée.

— Tout est-il prêt, mon enfant ? dit l’oncle en venant à eux. Émeriau le suivait ; il avait repris courage, et lorsqu’il