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colliberts.

l’avait emporté trop loin, et qu’il ne faut jamais offrir que ce qu’il dépend tout à fait de nous d’accorder.

— Voilà ce qu’on peut faire, dit le curé en serrant la main de son élève.

— J’ai, grâce au ciel ! de quoi vivre, et ce n’est pas une personne de plus ou de moins qui amènera la disette chez moi. Je prendrai cette pauvre mère, et je garderai sa fille si sa tante ne peut pas s’en charger.

À ces mots, le curé se sentit étouffé plutôt que serré dans les bras de son cher élève ; la pauvre aveugle avait saisi une de ses mains et la couvrait de baisers ; le bon vieillard s’était jeté à ses genoux avec les trois petits enfants ; et toute la famille du fermier, les yeux en pleurs, les mains jointes, s’écriait :

— Ô le digne homme ! c’est un ange sur la terre ! Jésus, mon Dieu ! sa présence a sanctifié notre maison ! Il prendra la mère et l’enfant, et il n’est pas riche ! il y a tant de pauvres sur sa paroisse !

Le bien que l’on voit faire donne presque toujours le désir d’en pouvoir faire aussi ! le cœur des bons paysans Couvrit à la charité ; ce ne fut plus assez pour eux d’avoir pris à leur service le fils aîné, qui, dans le fait leur serait plus utile qu’à charge ; ils offrirent tous d’une voix de garder le pauvre vieillard avec eux.

— Hélas ! dit la fermière, si mon père vivait, il aurait votre âge, et il faudrait bien qu’il y eût une place pour lui au foyer et à table, et la meilleure encore ! Eh bien ! nous vous traiterons comme si vous étiez notre père, et quand la journée sera finie, vous aurez votre petit Jean pour vous distraire et vous caresser.

Le vieillard croyait rêver ; il riait, il pleurait, il serrait ses enfants dans ses bras ; il appelait toutes les bénédictions du ciel sur les sauveurs de sa famille ! Lorsque le calme fut