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famille ; le bateau où nous sommes est plus grand et plus commode, il est à vous : c’est votre présent de noces ; vivez heureux ! M. le curé et moi nous viendrons vous visiter quelquefois ; et lorsque vous vous dirigerez du côté de Niort ma maison vous sera toujours ouverte comme mes bras !

Le repas de noce fut gai et les convives étaient nombreux ; il dura presque toute la journée ; et lorsque l’étranger partit, il emporta les bénédictions des deux familles et de tous les Colliberts.

Plus de trente ans se sont écoulés depuis cette époque ; Émeriau et son fils ont longtemps navigué dans leurs bateaux, l’un à côté de l’autre ; ils ont étendu leur commerce et sont devenus les plus riches pêcheurs du pays.

Mais le temps a apporté avec lui la mort et la vieillesse.

L’étranger, le bon curé, le vieillard, l’aveugle, les parents de Pierre et de Loubette, tout cela n’existe plus.

Pierre a cessé de naviguer il y a environ quinze ans ; la santé de sa femme souffrait depuis qu’elle habitait continuellement sur l’eau. Il a renoncé à son état favori pour ne pas quitter sa femme, et il a acheté une jolie petite maison aux environs d’Olonne ; il y vit heureux avec sa famille et ses livres ; Jeanne n’a pas voulu se séparer de Loubette ; elle l’aide à élever ses enfants ; Pierre a donné à François le beau bateau de l’étranger, mais il conserve celui de son père, et le montre souvent à ses fils, en leur disant :

— J’espère bien que l’un de vous n’aura pas d’autre état que celui auquel je dois tout mon bonheur !

Les Colliberts sont une classe d’hommes tout à fait inconnus en France, et pourtant ils habitent encore une grande partie des rivages qui sont vers les sables d’Olonne. Ils ont conservé leurs costumes, leurs usages, leur vie indépendante, et c’est à peine s’ils se sont ressentis des prétendus progrès de notre sorte de civilisation.