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PROTECTRICES DES ANIMAUX.

passerait peut-être pour appartenir à l’espèce que l’oiseau ne mange pas ; il serait alors laissé de côté et gagnerait un jour de vie, ce qui, dans beaucoup de cas, lui suffirait pour pondre une grande quantité d’œufs, et laisser une nombreuse postérité qui hériterait en partie de ce même caractère auquel il aurait dû son salut.

Ce cas hypothétique trouve précisément sa réalisation dans l’Amérique du Sud.

Parmi les papillons blancs qui forment la famille des Piérides et dont beaucoup ressemblent assez à nos papillons de chou, se trouve le genre Leptalis, de taille assez petite ; quelques espèces de ce genre sont blanches, comme les autres ; mais le plus grand nombre sont exactement semblables aux Héliconides, quant à la forme et à la couleur de leurs ailes. Ces deux familles diffèrent d’ailleurs par tous leurs caractères autant que les carnivores et les ruminants, et l’entomologiste les distingue à la structure de leurs pattes, aussi facilement qu’il peut, à l’inspection du crâne ou d’une dent, reconnaître un ours ou un buffle. Malgré cela, la ressemblance d’une espèce de Leptalis avec une espèce d’Héliconide est souvent si grande, que M. Bates et moi-même y avons été trompés plus d’une fois au premier moment, un examen plus détaillé étant nécessaire pour nous faire voir les différences essentielles des deux insectes. Pendant son séjour de onze années dans la vallée des Amazones, M. Bates trouva de nombreuses espèces ou variétés de Leptalis, dont chacune était une copie plus ou moins exacte d’une Héliconide habitant le même district ; il a exposé le résultat de ses observations dans