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LIMITES DE LA SÉLECTION NATURELLE

son existence, dans la lutte acharnée qu’il soutient contre la nature et contre ses semblables. Cependant les rudiments de ces facultés et de ces sentiments existent sans doute en lui, puisque les unes ou les autres se manifestent quelquefois dans des cas exceptionnels ou des circonstances extraordinaires. Quelques tribus, par exemple, comme celle des Santals, sont connues pour un amour de la vérité aussi vif que l’éprouvent les plus moraux d’entre nous. L’Indou et le Polynésien ont un sens artistique remarquable, et les premières traces de ce sens sont clairement visibles dans les dessins grossiers des hommes paléolithiques, contemporains du renne et du mammouth en France. On voit quelquefois, chez les races les plus sauvages, des exemples d’amitié dévouée, de vraie reconnaissance, et d’un profond sentiment religieux.

Nous pouvons, je crois, tirer de ces faits la conclusion que l’infériorité du sauvage que nous avons constatée relativement aux mathématiques, se montre dans tout son développement moral et intellectuel ; mais en revanche, puisque toutes ces facultés se manifestent chez lui occasionnellement, nous pouvons conclure qu’elles existent à l’état latent, et que la grandeur de son cerveau dépasse de beaucoup ses besoins dans son état actuel.

L’intelligence des sauvages comparée avec celle des animaux. — Comparons maintenant les besoins intellectuels du sauvage et le degré d’intelligence qu’il manifeste, avec ce que nous trouvons chez les animaux supérieurs. La vie des indigènes d’Andaman, d’Aus-