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LIMITES DE LA SÉLECTION NATURELLE

montagnes de l’Inde centrale, Sir Walter Elliott dit que ces sauvages sont connus pour leur véracité. « Le fait que les Kurubars disent toujours la vérité a passé en proverbe. » (On the Characteristics of the population of central and Southern India, Journal de la Société d’ethnologie de Londres. Vol. I, p. 107). Le major Jervis dit que les Santals sont les hommes les plus véridiques qu’il ait jamais rencontrés. Le fait suivant est cité comme exemple. Un certain nombre de prisonniers, faits pendant l’insurrection des Santals, furent renvoyés sur parole, et autorisés à aller travailler, moyennant un salaire, dans un certain lieu. Au bout de quelque temps, le choléra éclata parmi eux, et les obligea à s’en aller, mais tous, sans exception, revinrent remettre leur salaire à leurs gardiens. Ainsi deux cents sauvages, avec de l’argent dans leurs ceintures, firent trente milles pour rentrer en prison plutôt que de manquer à leur parole. Ma propre expérience des sauvages m’a fourni d’autres exemples analogues, quoique l’épreuve ne fût pas aussi sévère. De tels faits peuvent-ils s’expliquer par l’utilité ? Mais alors, pourquoi cette utilité constatée par l’expérience aurait-elle, dans quelques cas seulement, produit une impression profonde ? Les expériences quant à l’utilité de la véracité doivent, en somme, être à peu près égales pour tous ; d’où vient donc que leur résultat soit dans quelques cas un sentiment de vénération qui efface toute considération d’avantage personnel, tandis qu’ailleurs, ce sentiment est à peine à l’état rudimentaire ?

La théorie des idées innées, que je soutiens en ce