Ainsi grandit peu à peu leur amitié, jusqu’à devenir un continuel échange de pensées et d’aspirations. Ferrian, qui, naguère, eût trouvée ridicule cette intimité presque idyllique, — paul-et-virginienne, comme disait Chastel, — lui le sceptique d’antan, blagueur d’amour et coureur de filles, ne se doutait que vaguement, et à certaines heures de retour, de la transformation que quelques mois d’absence avaient opérée en lui, au point de lui faire trouver du charme à une églogue qui, sous son apparence naïve, cachait un sentiment, d’autant plus tenace qu’il était plus caché.
Lorsqu’il s’aperçut du pas qu’en si peu de temps il avait franchi, il eut peur.
Mais la vie, ainsi coulée, était trop adorable pour qu’il ne trouvât pas aussitôt une excuse à ses craintes et un prétexte pour ne la point troubler. Il se dit qu’après tout il était libre, qu’aucun danger ne le menaçait, que Greta résumait en elle les idéals nombreux qu’au cours de sa jeunesse il avait entrevus, et il laissa mollement aller les événements, dussent-ils le conduire à une union qu’il n’avait aucun motif de redouter.
C’était, au reste, une joie profonde pour Ferrian de voir peu à peu se développer physiquement et moralement cette vierge qu’il avait trouvée presque sauvage, abandonnée à elle-même, n’ayant pour guide que son instinct de femme, de la pétrir entre ses mains, de dresser et de guider dans ses voies cette intelligence qui recevait les impressions pour les rendre marquées à un coin nouveau, chatoyantes d’un reflet plus délicat et plus harmonique.