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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/13

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grande, comme les rideaux lourds et comme les fabuleuses scènes des tapisseries.

La comtesse Lysiane la tenait, cette demeure, de toute une lignée d’aïeux, et, dans le fauteuil de Cordoue, qu’elle occupait de préférence, elle savait que des ancêtres héroïques s’étaient, comme elle en ce moment, reposés, et que leur âme hautaine planait toujours dans l’air tiède du logis.

Veuve à trente ans, la comtesse n’avait jamais songé à se remarier. Elle s’était, de jour en jour davantage, retirée du monde, et, cloîtrée dans ce château séculairel s’y était fait une vie de méditation, d’étude et de volupté.

Elle eut des amants sans nombre, qu’elle rejeta tour à tour, ne les aimant que par le corps, mais gardant pour elle seule son âme enfermée.

Elle étudia le vice, en l’expérimentant, parvint, avec des délicatesses d’artiste rare, à lui faire donner tout ce qu’il possède, et ses intimes ne l’avaient jamais qu’à demi comprise, tant profonde était la mystérieuse évolution de ses sens.

L’homme qui, assis à ses pieds sur un tabouret, regardait cette femme étrange dont le visage s’éclairait et rougissait aux brusques flambées de l’âtre, était son dernier amant. Ensemble ils avaient abordé le cycle des joies charnelles ; ils s’étaient mutuellement initiés aux lancinantes douceurs, ensemble ils avaient dormi les longs sommeils où le songe s’illumine dans la fatigue ineffable de la matière.

Et maintenant que le terme était venu, que Lysiane, avec la surprenante clairvoyance de la femme, avait clos sa robe comme on ferme une prison, avant la venue du Dégoût