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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/141

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sévérité de sa conscience, ne pardonnerait pas l’effroyable coup porté par elle avec une froide et cruelle franchise. Il finirait ses jours, plus sauvage sans doute et plus renfermé, fuyant les hommes qui lui demanderaient compte d’elle ; il tomberait abattu par ses douleurs, comme un arbre vieilli qui se penche, de jour en jour, lentement, vers le sol, assommé par le poids de ses branches…

Et elle, Jacques l’aimerait-il longtemps ? Sa passion, n’étaitee point une crise d’un instant qui l’avait poussé vers elle par une inexplicable fatalité ? Etait-elle faite pour cet artiste aux goûts affinés que sa nature d’Allemande presque inculte ne pouvait encore bien comprendre ?

Greta rêvait ainsi, regardant par la vitre de la portière le paysage qui fuyait, les pâtures, les haies, les files de peupliers dressés sur l’horizon, les nuages enfin courant sur l’espace comme s’ils ne voulussent pas l’abandonner, Greta l’Allemande !

Ferrian, qui n’avait point parlé depuis le départ, alla vers elle, s’assit à ses côtés, et, devinant le doute de sa pensée, essaya de lui redire les paroles douces qu’il avait par deux fois balbutiées.

Mais elle, revenue au calme, lui répondit :

— Nous nous épouserons, bientôt, Jacques, et je vous aimerai de tout moi-même, et si vous vous détachez de moi, je me dirai que j’ai commis une grande faute et que Dieu me la fait expier.

— Ne parlons pas de Dieu, dit Ferrian, mais parlons de nous-mêmes. Ecoutez-moi, mon enfant bien-aimée ; je vous