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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/145

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lui avait appris à lire dans Curtius et Mommsen, à penser dans Kant et Hegel. Il était tombé victime d’une faute commise par elle, mais ne l’avait-il pas préparée, cette faute, par sa constante indifférence ? N’avait-il pas oublié que la femme a besoin, pour se soutenir, de la femme, et que les mains d’un vieillard sont inaptes à pétrir l’imagination délicate et le cœur d’une jeune fille ? Elle était responsable de la mort du vieillard, celui-ci était responsable de la chute de Greta, et doucement tranquillisée par l’amour de Jacques, sûre désormais de l’avenir, l’enfant pleura des larmes qui ne la brûlèrent point et furent comme des fleurs pieuses déposées par devoir sur une tombe respectée.

La nouveauté de sa vie, d’ailleurs, devait la distraire. Entrée dans une maison de garçon avec ses instincts de femme rangée, elle fut aussitôt prise aux multiples occupations de l’intérieur. Elle vit ce que manquait à la petite demeure coquette : la légèreté papillonnante d’une main de femme, et se livra tout de suite au travail de métamorphose. Elle classa, arrangea, harmonisa les objets, supprimant les loques, les choses inutiles et laides, laissant intactes, en son intuition qui jamais ne la trompa, les choses auxquelles devaient s’attacher une pensée d’art ou un souvenir. En peu de temps, le « home » conjugal fut organisé ; ce n’était plus la garçonnière quasiabandonnée, mais l’intérieur confortable et élégant que Ferrian avait rêvé, et si parfois celui-ci dut replacer un cadre, jeter plus négligemment un bibelot sur une étagère, détruire la symétrie monotone d’une théorie d’assiettes rares sur un bahut, mettre enfin le désordre dans l’ordre rigide, il comprit