Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/21

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le temple fermé par mille portes d’or où Lysiane avait cloîtré le fin fond d’elle-même.

Aussi, lorsque Grégory, après son absence prolongée, se retrouva dans l’ancien cercle devenu banal, d’une banalité qu’il n’avait jamais qu’entrevue, éprouva-t-il un insurmontable haut-le-cœur. Ainsi que sur sa noblesse héréditaire, il eut la perception d’avoir en lui un blason moral, une dignité nouvelle écussonnée d’azur et d’argent, qui le mettait au dessus de toute cette société douteuse qu’il ne pouvait plus comprendre.

Ce soir-là surtout, il regretta d’avoir terni sa méditation souvenante au contact de ces gens. Il eut un remords, venant de chez Lysiane, de ne pas être rentré dans sa demeure pour y causer avec lui-même, le seul être dont, après la comtesse, il pût aimer la solitaire compagnie. Il lui semblait, qu’en un quart d’heure bête, il avait profané l’idole de son cœur, celle qu’il jurait de conserver dans une atmosphère occulte de vénération et d’amour.

Après avoir perdu quelques louis, le duc serra distraitement la main de de Leuze et de van Steen, puis, ayant lancé d’un geste à la ronde son bonsoir, sortit.

Les rues étaient désertes ; la neige maintenant tourbillonnait avec rage, et Grégory dut se comparer à cette rafale soudaine.

N’avait-il pas aussi, lui, dans son cœur une tempête qui, apaisée, ne laisserait au fond de sa vie qu’un linceul blanc, qu’un froid suaire ?

Au coin de la rue Villa-Hermosa, une femme grelottante