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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/20

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natures si opposées une guerre sourde qui parfois éclatait en dédains superbes de la part du duc, en insinuations sifflantes de la part de Clergery. La présence inévitable de celui-ci avait surtout éloigné des réunions nocturnes le dernier descendant des Perriane. Parfois, écœuré, le duc s’en était allé, seul, dans la nuit froide, avec une lourde impression de fatigue, et le besoin d’autre chose qu’il ignorait ; et tout à coup sa rencontre avec Mme de Lysias avait rompu ce commencement de spleen, donné le coup de fouet, rendu à l’âme errénée de Grégory sa fraîcheur et son intensité. Dans les longues soirées qu’il avait passées à ses pieds, dans la contemplation de sa parole, il s’était réveillé de la routine somnolente de sa vie. Lysiane lui avait révélé le bonheur de l’intelligence, en même temps que la joie de la chair, et lui, qui naguère ne trouvait dans ses « conquêtes » qu’un assouvissement physique, avait eu pendant deux mois entiers la révélation de l’être complet dont la partie spirituelle relève et sublimise la volupté des sens. Souventes fois, la nuit, dans la vaste chambre de la comtesse, où traînait continuellement un vague parfum d’ambre et de moskari, après quelques heures de sommeil, ils s’étaient levés tous deux, et, devant le feu qui, de même que la veilleuse, comme dans les temples, ne s’éteignait jamais, leurs paroles s’étaient répondues, ainsi que leurs pensées. Par une sorte d’émulation incessante, il faisaient alors assaut, — non pas d’esprit, cette profanation de l’amour, — mais de profondeur sentimentale. Comme le néophyte d’une religion mystérieuse, il avait pénétré par une série de troublantes initiations dans