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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/41

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et se fondre cette vigueur d’acier que ni la vie brûlante, ni les orgies, ni les nuits blanches, n’avaient pu rompre. Christine s’alanguissait, n’aimait plus autant la causerie du soir que la fatigue interrompait trop vite, et ces veillées courtes rendaient plus monotone encore le coin du feu où Grégory restait, parfois seul, parfois en compagnie de Jacques d’Astor.

— Je m’ennuie, Jacques, disait-il en s’étirant.

— Mais tu n’as jamais fait que cela toute ta vie, mon pauvre ami.

— Autrement.

— Ecoute, vieux ; s’ennuyer, vois-tu, c’est désirer ; tuas tout ce qu’il faut, non tout ce qu’il Te faut ; ta vie semble complète et parfaite — et tu n’es pas heureux.

— Oui, je désire…. Et il s’arrêtait ne voulant pas lâcher le secret du cœur qu’il gardait en lui. Je désire et rien ne me manque !

— Il y a des galériens qui regrettent leur boulet, lorsqu’on les a lâchés au monde.

— Tu dis vrai, Jacques, et je crois que c’est cela que je n’ai plus et que je voudrais ravoir ; j’ai honte d’être malheureux dans mon parfait bonheur et il me semble que je serais plus gai si je souffrais un peu. Tu ne dis rien.

— Je plains ta femme.

— Mais elle est heureuse.

— Pour combien de mois encore ? Grégory ne répondit pas.

La causerie recommença quelques instant après.

— Distrais-toi, disait d’Astor, fais quelque chose, occupetoi d’art ; tu es musicien, compose.