Aller au contenu

Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Sa pensée ne s’étendait plus aux choses du dehors, mais se repliait en elle, vers ses flancs où l’être nouveau s’étirait ; parfois Grégory prenait un livre et lisait à haute voix quelque passage simple où le poète chantait l’âge d’or, l’enfance, les fleurs ; c’était comme un apaisement dans tous les cœurs, et un arrêt dans les secrètes tortures du duc. Toutes les sollicitudes et toutes les transes allaient à cette jeune femme dont le visage avait pris la pâleur maladive de l’ivoire, et qu’entouraient sans cesse la mère et l’époux.

La baronne de Silvère venait chaque jour passer quelques heures près de Christine ; elle renouvelait les lilas épanouis autour de la chérie, entr’ouvrait les fenêtres pour mélanger de brise printanière le parfum printanier des fleurs, baissait à demi les rideaux roses dont le tissu laissait filtrer une lumière atténuée, puis s’asseyait devant la jeune femme et la veillait, lorsque, accablée, celle-ci abaissait un instant les paupières.

Le terme arriva, l’enfant mourut.

Soixante jours et soixante nuits, Christine de Perriane resta sur son lit, sans force, sans voix, sans regard. On eût dit que l’âme de l’être envolé eut remplacé son âme, tant elle sembla redevenue enfant par la douleur. Les yeux fermés, pareille à un cadavre, ses deux mains blanches allongées sur les draps, elle se laissa doucement soigner, sans rien dire, et gardant son attitude immobile, comme si elle eût voulu, à force de mutisme et de prostration, tromper la destinée, et se faire enlever aux sphères mystérieuses, ainsi qu’une morte.