Au bout de deux mois, elle sembla s’éveiller de sa longue léthargie ; elle ouvrit les yeux et fixa un point vague, au pied de son lit ; elle ne semblait pas voir, mais dans son regard se lamentait une irrémissible désolation. Elle entr’ouvrit les lèvres et murmura : Grégory.
Celui-ci s’approcha de la sauvée, prit dans sa main brûlante la main de Christine et dit simplement : Je ne t’ai pas quittée.
Lorsqu’elle put se lever, la duchesse apparut comme neuve et inconnue. N’était la mélancolie qui l’imprégna toute, dans son geste las, dans sa parole alentie, elle sembla transformée. Peu à peu, de matin en matin, Christine rafferma. Pâle toujours, mais développée par la maternité, la femme du duc acquit des formes plus molles et plus sveltes ; ses yeux cerclés de noir semblèrent plus profonds et, comme ses yeux, sa pensée s’était approfondie en un nimbe d’ombre. Elle parlait moins qu’autrefois, mais le timbre de sa voix était devenu plus sonore, avait pris des notes plus caressantes ; à vingt ans, après une année de mariage, Christine était femme complète et parfaite, la taille de la jeune fille, mince, puis déformée par la grossesse, s’était harmonieusement moulée et gonflée aujourd’hui ; ainsi les bras, les épaules, la main dont les doigts se potelaient sans perdre leur noblesse originelle.
Jusqu’au jour où elle revint à la vie, la duchesse de Perriane ne s’était guère révélée, et l’on eût difficilement pu juger ce qu’il y avait derrière ses grands yeux rêveurs. Entre sa mère, dont l’esprit absorbant ne laissait guère place à la