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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/61

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portable, pour ne s’arrêter qu’à un petit port de mer quasi. inconnu dont une seule auberge garnissait un semblant de digue. Là, dans la solitude, il se replongea plus avant au cœur de ses anciens spleens. La mer immense l’enveloppa de ses grandes tristesses. Le soir, souvent, elle brillait comme un désert de feu pâle, et, dans le sable mouillé, les pieds laissaient une trace lumineuse que lavait l’écume. L’horizon s’enfonce dans la nuit, et l’on n’entend qu’une grande plainte qui s’éloigne, approche, décroît encore, pour se changer en longs sanglots. La pointe brillante d’un phare apparaît au loin, mais les vagues submergent l’étoile et l’obscurité sans borne pleure, et pleure toujours. Sous ces eaux nocturnes roulent, parmi les débris de navires, les corps décomposés des matelots que la mort a cueillis dans les naufrages, et la vie des algues, et la vie des mystérieux polypes remue ces restes sans forme, s’incruste à leurs membres, couvre l’horreur funèbre d’une végétation qui s’agite doucement aux remous. L’Océan rêve le soir ; plus une carène ne ride ses étendues et ne déchire ses lames ; il rêve qu’il couvrira la terre, qu’un jour ses marées auront la force de s’étendre, qu’il ira plus loin, plus loin encore, pour augmenter sa nourriture d’hommes et de choses ; immense, il rêve d’être seul immense

Devant la mer, Grégory songea ; le passé, toujours le passé monta en lui comme montent les vagues aux piliers moussus des estacades.

L’image de Lysiane lui apparut de nouveau, mais fondue à présent à celle de Christine. Sur le même costume, il