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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/74

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brusquement pendant une sieste. La lumière seule de la lune, à demi voilée par les rideaux, éclaire ce visage fatigué où la souffrance a mis un pli d’amertume. Tel, le duc est beau de toute la beauté que donne la vie brûlante aux tempéraments d’élite. Son origine a réagi contre toutes les tempêtes et sa vigueur surmonté toutes les batailles. En ce moment, les cheveux noirs rejetés en arrière laissent voir son large front coupé d’une ride profonde ; les yeux clos et cernés, les mains aristocratiques, pendantes et allongées sur les bras du fauteuil, il conserve dans la léthargie de l’ivresse son grand air noble.

Une porte s’ouvre, un rais de lumière glisse, se déplie en nappe d’or, et, sur la pointe des pieds, Christine entre. Elle prend un tabouret, puis, assise, regarde longuement l’homme endormi. Une odeur d’alcool se dégage de la respiration haletante de Grégory. La jeune femme n’en éprouve point de dégoût, aucun geste n’indique même qu’elle s’en aperçoive ; après être restée longtemps devant son mari, elle prend une carafe, verse de l’eau dans un verre qu’elle dépose sur un guéridon, y ajoute quelques gouttes de vinaigre parfumé, puis elle sort comme elle est venue.

Lorsqu’il se réveilla, le lendemain très tard, sans que personne eût interrompu son pesant sommeil, Grégory se demanda où il se trouvait ; peu à peu il reprit ses sens, se vit débraillé, sentit sa bouche pâteuse, aperçut le verre à portée de sa main et but avec avidité. Puis, il se souvint : la nuit passée à boire, le fiacre, la lassitude. Mais ce verre, qui l’avait déposé là ? Le duc passa dans sa chambre, y fit sa toilette, et, appelant son valet de chambre :