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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/84

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— Oui.

— Vous prononcez mal…

— J’ai longtemps, toujours pensé à vous, Lysiane, ma vie est empoisonnée par votre souvenir, et je souffre, et j’ai voulu venir me donner du courage.

— Pauvre bête ! dit Lysiane avec un vague sourire de triomphe ; voilà où vous arrivez tous, vous cherchiez le sommeil et c’est le cauchemar qui vous est venu, le repos, et c’est la fièvre. Que voulez-vous que j’y fasse ?

— Rien, dit-il, je vous vois, je suis sauvé.

— Bah !

— Je suis sauvé, et je vous remercie.

La comtesse se leva, sans comprendre. Pour la première fois, sa perspicacité resta muette. Elle était toujours belle, et plus troublante que jamais, son règne n’était point fini ; comment cet homme lui parlait-il ainsi, glacé, l’œil calme, la main posée négligemment sur le bras de son siège, la regardant avec fixité, sans crainte, sans flamme ?

— Adieu, fit-il, en se levant.

— Adieu.

Il se retira lentement, tandis que la comtesse restait debout, immobile, la gorge serrée, le corps froid.

Le duc rentra chez lui le soir même, brisé, décidé à en finir. La dernière illusion était écrasée, et avec elle sa vie s’évaporait en fumée sombre.

Lorsque la voiture s’arrêta devant l’hôtel, pendant qu’on ouvrait les deux battants de la porte cochère, un rideau bougea imperceptiblement à une fenêtre du premier étage.