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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/93

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caractère étonnant a cette salle illuminée et vide ! On dirait qu’elle attend l’arrivée d’un rajah suivi de sa cour !

— Ah bah ! dit Chastel, un grand blond à la moustache fine, est-ce que Marius aurait des envies de débauche picturale ? Nous voilà loin des gothiques.

— Mon Dieu, fit Marius de sa voix creuse d’ascète, ce qui est beau est beau, je n’ai pas de parti pris, pourquoi n’aimerai-je pas ceci ? d’ailleurs, voyez-vous ? on garde toujours un peu de cette lumière orientale dans la patte, et mes madones en auront demain l’auréole plus éclatante, voilà tout.

— Eden pour paradis…

— Profane, va !

Jacques Ferrian, l’avocat d’hier, n’écoutait pas la conversation. Accoudé au dossier de sa chaise, le regard vague, il semblait perdu dans une pensée sans fin.

Imberbe, portant vingt-cinq ans à peine, la lèvre un peu tirée, avec une sorte de dégoût, l’œil très bleu, Ferrian avait la beauté efféminée de l’adolescent, crispée par une vie précoce. Il portait les cheveux très longs, à la mode romantique, et toute sa toilette, depuis ses escarpins à fine pointe jusqu’à son veston de velours noir, côtoyait la mode sans y tomber. C’était du dandysme discret non de l’élégance, de la distinction, non du chic. Il avait l’horreur de ce qu’on a nommé la gomme, assimilait les jeunes gens décorés du pardessus mastic à ces chevaux de course fragiles comme des jouets. C’étaient pour lui des bêtes de perfectionnement…. Seul, orphelin, libre et maître d’une solide fortune, Jacques avait tant bien que mal passé son dernier examen de droit, et, la veille, prêté