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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/94

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serment au Palais de justice. Ses amis Chastel, le compositeur anversois, Beckx, le violoncelliste en vogue, Carol, le gros sous-lieutenant aux chasseurs, Kéradec, le peintre breton que son tableau Les Landes avait rendu célèbre déjà depuis le dernier Salon, Marius enfin, son compagnon de jeunesse, tous ensemble étaient allés chercher Jacques chez lui et presque de force l’avaient emmené à l’Eden.

— Dis donc, Ferrian ! cria Carol, tu as l’air ennuyé comme un corps de garde ?

— Moi, pas du tout, je ne m’ennuie jamais, je songeais, voilà tout. A ta santé !

— A la tienne, et peut-on savoir…

— Mon cher Carol, permets-moi de te dire qu’il n’y a rien de sot comme de demander à quelqu’un à quoi il pense. Penser, c’est se parler tout bas et je présume que c’est parce qu’on n’a pas l’envie de le faire tout haut.

— Zut alors ! le serment t’a rendu grincheux, mon cher.

— Voilà un « mon cher » qui vient de l’âme ! Pardon ! ne te fâche pas, je suis un peu fatigué, ennuyé, je ne sais quoi. Il fait d’un bête ici ! Dites-donc, restons-nous ?

— Attendons au moins les nègres, on les dit épatants.

— Soit.

Marius se rapprocha de Ferrian et le regardant fixement, lui dit doucement — comme à un frère :

— Tu me diras bien, à moi, ce qu’il y a…

— Ce qu’il y a, Pierre, je vais vous le dire à tous, puisque vous y tenez ; ce qu’il y a, c’est que j’en ai assez ; oui, continua-t-il d’une voix devenue tout à coup grave et lente, j’en ai