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Page:Walras - Introduction à l'étude de la question sociale.djvu/23

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ignorance de la philosophie et du droit naturel : car l’idée de M. Proudhon consiste en ceci, que l’appropriation des choses par les personnes est un phénomène en dehors de la moralité ne pouvant pas plus être légitime qu’illégitime, indifférent à la justice, tout au plus légalisable par des contrats. Quel pathos ! Enlever à la juridiction du droit l’acte le plus capital de la libre volonté de l’homme ! Vouloir légaliser par contrat ce qui serait instinctif et fatal ! La paresse la plus profonde à remonter aux principes, l’impuissance la plus honteuse se dévoilent indécemment ; l’empirisme le plus éhonté s’étale avec impudeur. Quoi qu’il en soit, M. Proudhon accepte la propriété individuelle comme un fait, sinon comme un droit.—Mais alors en quoi et pourquoi M. Proudhon se trouve-t-il en désaccord avec la pratique actuelle ?

M. Proudhon est convaincu qu’au fond, chez tous les hommes, les besoins sont égaux et les moyens équivalents ; qu’en conséquence, l’égalité absolue des biens et des fortunes est dans l’intention de la nature, et devrait se réaliser d’elle-même sous un régime économique convenable. Le régime le plus hostile à la réalisation du vœu de la nature, c’est, selon M. Proudhon, le régime de la liberté économique, le régime de la concurrence et du laissez-faire qui se déduit de ce principe que la valeur des choses se détermine par le rapport de la demande à l’offre, sur le marché. Le régime le plus favorable, selon M. Proudhon, serait un régime de taxes et de maximums qui se déduirait de ce principe que la valeur d’échange se mesure sur les frais de production ou sur le prix de revient.

En conséquence, la doctrine de M. Proudhon se résume dans une série de propositions tendant toutes au tarif des espèces diverses de la richesse, conformément aux frais de leur production. M. Proudhon tarife le prix du travail ou le salaire ; il tarife le prix des marchandises ; il tarife l’escompte ; il tarife le crédit ; il tarife les loyers ; il tarife les fermages, la rente foncière, l’impôt. Tel est le socialisme de M. Proudhon, ni plus ni moins. La concurrence est sa bête noire, comme elle est aussi celle de M. Louis Blanc. Mais alors que l’un se réfugie dans le monopole de l’État, l’autre invoque uniquement le droit de l’État à taxer la valeur des choses au prorata de leur prix de revient. Ce n’est pas plus difficile que cela.

On voit qu’il serait peut-être hasardé de signaler dans un