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Page:Walras - Introduction à l'étude de la question sociale.djvu/24

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pareil système une tendance, même inconsciente, au communisme ou à l’individualisme. Ce qu’il est aisé d’y montrer, c’est le triomphe de l’empirisme.

N’est-il pas évident, en effet, que logiquement la méthode de M. Proudhon lui devait être tracée d’avance ? Que le vœu de la nature soit ou ne soit pas l’égalité absolue des biens et des fortunes, que nous importe de le savoir dès à présent ? Que les besoins soient égaux et les moyens équivalents chez tous les hommes, que nous fait cela ? S’il est vrai que les intentions de la nature ou de la Providence soient conformes à ces principes, ces principes devront se réaliser par la force des choses sous un régime économique naturel.

Donc, quel est le régime économique le plus naturel du régime de la liberté ou du régime de l’autorité ? Voilà la question capitale. Sur quoi se mesure la valeur d’échange ? Sur le rapport de la demande à l’offre ou sur le prix de revient ? Voilà le nœud du problème tel qu’il convient à M. Proudhon lui-même de le poser.

Qu’avait donc à faire M. Proudhon ? Il avait à énoncer simplement le premier point comme un pressentiment de sa foi, et à réunir tous ses efforts pour démontrer le second point comme une conviction d’expérience. Que fait au contraire M. Proudhon ? Il s’acharne ridiculement à soutenir sa thèse de l’égalité absolue des biens et des fortunes, et néglige aussi complètement que possible d’apporter la moindre preuve à l’appui de son principe économique.

« Les jours de l’année sont égaux, les années égales ; les révolutions de la lune, variables dans une certaine limite, se ramènent toujours à l’égalité. La législation des mondes est une législation égalitaire. Descendons sur notre globe : est-ce que la quantité de pluie qui tombe chaque année de tout pays n’est pas sensiblement égale ? Quoi de plus variable que la température ? Et cependant, en hiver, en été, de jour, de nuit, l’égalité est encore sa loi. L’égalité gouverne l’Océan, dont le flux et le reflux, dans leurs moyennes, marchent avec la régularité du pendule. Considérez les animaux et les plantes, a chacun dans son espèce : partout vous retrouvez, sous des variations restreintes, causées par des influences extérieures, la loi d’égalité. L’inégalité, pour tout dire, ne vient pas de l’essence des choses, de leur intimité ; elle vient du dehors. Otez