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de la puissance inhérente au sol… La rente est donc toujours un monopole. »

Scrope. « La valeur de la terre et la faculté d’en tirer une rente sont dues à deux circonstances : 1° à l’appropriation de ses puissances naturelles ; 2° au travail appliqué à son amélioration… Sous le premier rapport la rente est un monopole. »

Senior. « Les instruments de la production sont le travail et les agents naturels. Les agents naturels ayant été appropriés, les propriétaires s’en font payer l’usage sous forme de rente, qui n’est la récompense d’aucun sacrifice quelconque… »

Enfin aujourd’hui, un certain nombre de publicistes s’autorisent de ces précédents :—« La terre a révélé, dit M. Dupont-White, son caractère de monopole[1]. »

Il serait inutile de multiplier indéfiniment ces citations. Il y en a suffisamment pour justifier une conclusion touchant la situation de l’école économiste à l’égard du problème de la distribution de la richesse sociale. Cette école s’est bornée jusqu’ici à constater scientifiquement en toute impartialité, les faits économiques. Quant aux faits moraux elle ne les a jamais abordés que très-incidemment, s’empressant toujours en quelque sorte de décliner sa compétence, et se bornant à justifier très, sommairement la propriété foncière par les raisons de prescription, d’utilité générale, de nécessité, etc., etc.[2]. C’est à nous à procéder méthodiquement à l’élaboration de cette question ; à voir si ces raisons sont suffisantes pour combler les lacunes de

  1. M. Dupont-White, L’Individu et l'État, 2e édit. p. 56.
  2. Dans les ouvrages des publicistes tout à fait contemporains, j’entends de ceux qui jouissent d’une certaine réputation et de quelque autorité, on trouve autre chose que l’audace irréfléchie des socialistes ou la réserve exagérée des savants. Au nombre de ces économistes philosophes, je dois citer en première ligne M. Baudrillart, auteur des Études de philosophie morale et d’économie politique et d’un livre tout récent : Des rapports de la morale et de l’économie politique. M. Baudrillart fonde le droit de propriété sur la personnalité ; et généralement il porte dans l’étude des problèmes les plus grâves de la justice sociale une profondeur, une sincérité, disons même une hardiesse peu communes. La discussion de semblables idées qui sont également scientifiques et avancées est en dehors du plan de cette Introduction, et les tentatives de M. Baudrillart demeurent à examiner comme les premières qui aient été faites en vue de la constitution méthodique de la théorie de la société.