Page:Walras - L’Économie politique et la justice.djvu/31

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Cela dit, suivons l’analogie.

Cherchons d’abord un principe fondamental de morale qui renferme nécessairement en lui l’essence, non pas seulement de la science économique, mais de toutes les sciences naturelles. Par exemple, admettons celui-ci ; — je le prends très-large à dessein : — Que l’homme accomplisse librement sa destinée, sans entraver l’accomplissement libre de la destinée de ses semblables.

Maintenant, je veux savoir, dans un cas donné, si je puis et si je dois donner des coups de bâton aux personnes qui m’entourent. Je consulte la physiologie, et elle m’apprend que les coups de bâton sont nuisibles à la santé. D’autre part la morale énonce implicitement que ce serait entraver l’accomplissement libre de la destinée de mes semblables que de les rendre malades et peut-être de les tuer. La physiologie et la morale sont donc parfaitement d’accord pour me défendre de donner des coups. Mais s’il était au contraire établi physiologiquement que les coups de bâton provoquent le sommeil, facilitent la digestion et guérissent les rhumatismes, la morale devrait m’encourager à frapper mes parents et mes amis ; ou, la morale aurait tort.

Et ainsi de suite. Si la science économique établit, par exemple, que la guerre est absurde, économiquement parlant, parce qu’elle n’est autre chose que l’anéantissement stérile d’une portion de la richesse sociale, l’éthique devra proscrire la guerre, en principe, comme immorale ; ou l’éthique aura tort. Et, dans tous les cas, l’identité des résultats de la morale