Page:Walras - L’Économie politique et la justice.djvu/46

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On peut dire, en effet, des deux» théories de l’égalité absolue et de l’inégalité absolue ce qu’a si bien dit Jouffroy du matérialisme et du spiritualisme philosophiques. Il n’y a pas de meilleure réfutation de la théorie égalitaire que la théorie inégalitaire, ni de la théorie inégalitaire que la théorie égalitaire. M. Proudhon confond perpétuellement les deux formes de la justice, ou plutôt avec tous les égalitaires, il tend à faire rentrer la justice distributive dans la justice commutative. Avouons aussi qu’il n’a pas, en effet, manqué de théologiens, de philosophes, de légistes, d’économistes, d’hommes d’État disposés à faire rentrer la justice commutative dans la justice distributive. On conçoit que tous ces théoriciens ennemis se trouvent, en présence les uns des autres, dans la même position où étaient aussi les matérialistes décidés à expliquer les phénomènes de la conscience par les sens, et les spiritualistes décidés à expliquer les phénomènes des sens par la conscience.

Les égalitaires, ayant constaté l’égalité primitive et naturelle des êtres personnels, en concluent à l’égalité absolue. Les inégalitaires, observant l’inégalité résultante, éventuelle, des citoyens, en concluent à l’inégalité absolue. Alors les uns s’attachent à l’égalité, les autres se cramponnent à l’inégalité, oubliant tous que l’égalité et l’inégalité sont deux faits aussi certains, aussi nécessaires, aussi indestructibles l’un que l’autre, et méconnaissant que le problème moral consiste à leur faire la part à chacun,