Page:Walras - L’Économie politique et la justice.djvu/47

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à leur tracer la limite hors de laquelle ils ne doivent point s’étendre. Il faut veiller à ce que l’inégalité ne pénètre pas dans le domaine de l’égalité ; il faut veiller à ce que l’égalité ne vienne point s’imposer là où doit régner l’inégalité. Il faut, en un mot, les concilier, en vertu de ce principe peu connu de M. Proudhon, et ― puis-je le dire sans sourire ? ― de moins en moins compris par lui :—que les contraires doivent non s’entre-détruire, mais se soutenir, précisément parce qu’ils sont contraires.

Malheureusement, la plupart des hommes sont exclusifs. Les démocrates égalitaires font sonner bien haut l’égalité des êtres personnels, et ils abondent dans le sens de la justice commutative. Les aristocrates inégalitaires relèvent à leur tour les droits de l’inégalité de mérite, et ils ne connaissent rien que la justice distributive. Encore faut-il ajouter, pour être quitte avec eux, qu’ils n’arrivent en définitive, les uns et les autres, qu’à mutiler toute espèce de justice.

Au premier abord, pour en revenir à M. Proudhon, il semble, si l’on n’est pas informé de la confusion, qu’entre lui et ses adversaires, les ténèbres soient aussi complètes que possible. Les § § XXII, XXIII, XXIV, XXV, XXVI de sa troisième étude fatiguent l’attention en la promenant à travers un chaos d’idées confuses, d’erreurs et de contradictions. Une fois au courant de la question, il suffit de les laisser tous aller, ses adversaires et lui, pour les voir se réfuter les uns les autres le mieux du monde.