Page:Walras - Théorie mathématique de la richesse sociale.djvu/9

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Laissant d’abord de côté, pour la considérer plus tard, cette circonstance que l’avoine, le blé, le café, etc., sont des produits, et n’y voyant que des marchandises qui s’échangent sur un marché, on cherche la relation qui existe entre les quantités de ces marchandises et leurs prix sous l’empire de la libre concurrence. C’est un premier problème qui forme l’objet de la Théorie mathématique de l’échange et qui pourrait à la rigueur s’énoncer ainsi : —— Étant données les quantités des marchandises, formuler le système d’équations dont les prix de ces marchandises sont les racines.

Cette première théorie une fois élaborée, faisant alors intervenir cette circonstance essentielle que les marchandises en question résultent de l’association de services producteurs, on cherche la relation plus complexe qui existe entre les quantités de ces services producteurs, les quantités des produits fabriqués, les prix de ces produits et les prix des services producteurs, toujours dans l’hypothèse d’une production et d’un échange régis par la libre concurrence. C’est un second problème qui forme l’objet de la Théorie naturelle de la production et qui peut, si l’on veut, se poser en ces termes : — Étant données les quantités des services producteurs, formuler le système d’équations dont 1o les quantités des produits, 2o les prix de ces produits, et 3o les prix des services producteurs sont les racines.

Ainsi envisagée, la Théorie de la richesse sociale ou Économie politique pure apparaît clairement avec le caractère d’une science proprement dite physicomathématique. Est-ce à dire toutefois que ce caractère n’ait jamais été reconnu jusqu’ici à l’économie politique ? Bien loin de là. Quoi de plus apparent que le caractère de science naturelle donné par les Physiocrates à l’économie politique ? Non-seulement ils le donnent avec raison à l’économie politique pure, mais ils le donnent aussi, à tort selon moi, à l’économie politique appliquée. Et tous les économistes anglais, depuis Ricardo jusqu’à J.-S. Mill, n’ont-ils pas traité l’économie politique pure comme une mathématique véritable ? Assurément. Leur seul tort, dirai-je volontiers, est d’avoir tenu à faire cette mathématique dans le langage ordinaire et de ne l’avoir faite, par ce motif, que d’une façon à la fois très pénible et très imparfaite.

M. Cournot est le premier qui ait tenté franchement et sérieusement l’application des mathématiques à l’économie politique. Il l’a fait dans un ouvrage intitulé : — Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses, publié en 1838, et qu’aucun auteur français, à ma connaissance, n’a jamais cri-