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CHAPITRE II


Arrivée du Gloucester à l’Ile de Juan Fernandez : celle de l’Anne : et ce que nous fimes jusqu’à l’arrivée de cette dernière.


L’arrivée du Tryal à l’Ile de Juan Fernandez, si peu de tems après que nous y eumes abordé nous mêmes, nous donna lieu d’espérer que serions bientôt rejoints par le reste de notre Escadre, et pendant plusieurs jours nous eumes toujours les yeux tournés vers la Mer, dans l’attente de voir paroître quelqu’un de nos Vaisseaux égarés. Mais au bout de quinze jours qu’aucun ne parut, nous commençames à désespérer de les revoir jamais : car nous savions très bien que si notre Vaisseau avoit été obligé de tenir la Mer, pendant tout ce tems, pas un seul de nous ne fut resté en vie, et que le corps de notre Vaisseau, rempli de cadavres, seroit devenu le jouet des vents et des flots. Nous n’avions que trop de raisons de croire que tel avoit été le sort des Vaisseaux de notre Escadre qui nе paroissoient point : chaque heure, qui s’écouloit, ajoutoit un degré de force à ces tristes probabilités.

Enfin le 21 de Juin, quelques-uns de nos gens, du haut d’une éminence vers le bord de la Mer, apperçurent un Vaisseau au-dessous du vent donc les voiles basses paroissoient au niveau de l’horizon : ces voiles et celle du grand Perroquet étoient les seules qu’il portoit. Cette dernière circonstance fit conclurre, que c’était un Vaisseau de notre Escadre, qui avoit souffert autant que nous, dans ses voiles et ses agrés. C’est la seule conjecture qu’on eut occasion de faire ; car peu après le tems se brouilla et en fit perdre ]a vue. Sur ce rapport, et sur ce que nous ne vimes plus paroître aucun Vaisseau de quelgues jours, nous fumes fort inquiets pour celui qu’on avoit vu, et nous crumes qu’il manqueroit d’eau, que son Equipage étoit trop affaibli par les maladies, pour pouvoir voguer contre le vent, et qu’après être venu jusqu’à la vue de l’I1е, ils périroient tous sans pouvoir y aborder. Cependant le 26 vers le midi nous découvrimes une voile, au Nord-est, que nous primes pour le même Vaisseau qu’on avoit déja vu, et cette conjecture se trouva vraie. A uле heure après-midi le Vaisseau fut si proche, que nous le reconnumes