Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE III


Récit abrégé de ce qui arriva à la Pinque Anne, pendant qu’elle fut séparée de nous ; du naufrage du Wager ; et du retour de la Séverne et de la Perle.


Dans le tems que la Pinque Anne parut à notre vue, nous fumes surpris de voir que l’Equipage d’un Vaisseau, qui arrivoit au rendez-vous deux mois après les autres, fût en état de faire la maneuvre sans donner le moindre signe de foiblesse ; mais nous en sumes la raison dès qu’il eut jetté l’ancre. Nous apprimes alors qu’il avoit été en relâche depuis le milieu de Mai, c’est-à-dire, près d’un mois avant que nous fussions arrivés à l’Ile de Juan Fernandez : desorte que, excepté le risque de faire naufrage, l’Equipage de ce Vaisseau avoit beaucoup moins souffert que tous les autres Equipages de l’Esquadre. Suivant le rapport que ceux de l’Anne nous firent, ils se trouvèrent à quatre lieues de terre, le 16 de Mai, à 45° 15’ de Latitude Sud. Ils virèrent ensuite de bord et portèrent au Sud, mais leur voile de Perroquet de Misaine vint à se déchirer, et le vent étant O. S. O. ils dérivèrent vers la terre. Le Capitaine, soit qu’il craignît de ne pouvoir se soutenir contre le Vent, soit, comme quelques-uns le crurent, qu’il fût las de tenir la Mer, porta vers la Côte, dans le dessein de trouver quelque abri, entre les Iles qui sont là en grand nombre. Effectivement, la Pinque eut le bonheur, en moins de quatre heures, de trouver un Ancrage, à l’Est de l’Ile d’Inchin ; mais ne s’étant pas placée assez près de l’Ile, et l’Equipage n’étant pas assez fort pour filer du Cable, aussi vite qu’il étoit nécessaire, ils furent poussés à l’Est, la profondeur de l’eau allant en augmentant de vingt-cinq brasses à trente-cinq. Ils continuèrent à dériver, et le lendemain 17 de Mai, ils jettèrent la maitresse ancre, qui les soutint quelque tems ; mais le 18 ils chassèrent encore sur leurs ancres, jusqu’à ce qu’ils se trouvèrent à soixante-cinq brasses d’eau et à un mille de terre. ils ne s’attendoient alors qu’à échouer, dans un endroit où la Côte paroissoit fort haute et fort escarpée, sans qu’ils vissent aucun moyen de sauver le Vaisseau, ni sa charge. Leurs Chaloupes faisoient beaucoup d’eau, et ils ne voyoient aucun lieu, où ils puissent aborder, desorte que tout l’Equipage, consistant en