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seize personnes, Matelots ou Mousses, se regardoit comme perdu et sans ressource, d’autant plus que si quelqu’un d’eux contre toute apparence, eût pu gagner le rivage, ils ne doutoient pas qu’il ne fût massacré par les Indiens de ce Païs, qui ne connoissent d’Européens que les Espagnols, à qui ils ne font point de quartier. Cependant la Pinque, s’approchoit toujours de ces Rochers terribles qui formoient la Côte, jusqu’à ce qu’enfin, dans le tems que l’Equipage ne s’attendoit qu’à un naufrage certain, ils apperçurent une petite ouverture entre les terres, qui leur donna une lueur d’espérance. Ils coupèrent d’abord les cables de leurs deux ancres, et mirent le Cap vers cette ouverture, qui se trouva l’entrée d’un Canal étroit entre une Ile et le Continent, et qui les mena à un Port excellent, aussi sûr et aussi tranquille qu’on en puisse trouver. C’est ainsi que dans peu de momens, ces gens passèrent d’une situation, où ils n’avoient devant les yeux qu’une mort inévitable, à une autre où ils trouvoient la sureté, le repos et des rafraichissemens.

La Pinque mouilla dans ce Port à vingt-cinq brasses de fond avec une simple Hansière et une petite ancre de trois cens livres. Elle y resta près de deux mois, et l’Equipage, qui étoit attaqué du Scorbut, s’y rétablit bientôt, au moyen des rafraichissemens qu’ils y trouvèrent en abondance, et de l’eau excellente que la Terre voisine leur fournit. Comme cet endroit peut être d’une grande utilité à ceux qui navigeront sur ces Côtes ou qui peuvent y être jettés par les vents d’Ouest, qui règnent presque continuellement dans ces Parages, je vais donner la meilleure description qu’il me sera possible de ce port, de sa situation et de ses avantages.

Pour faciliter la connoissance de cet endroit à ceux qui voudront y relâcher à l’avenir, je joins ici le Plan de la Baye, où la Pinque chassa sur ses ancres, et du Port même qui s’ouvre dans cette Baye. Ce plan n’est peut-être pas aussi exact qu’il seroit à souhaiter ; il est dressé sur les mémoires et sur les esquisses grossières du Maitre et du Chirurgien de la Pinque, que je ne crois pas de fort habiles Dessinateurs. Cependant comme les principaux points sont placés suivant l’estime de la distance où ils sont entre eux, et que nos Marins sont fort experts dans cette sorte d’estime ; les erreurs ne peuvent pas être fort considérables. À la vérité la Latitude, qui est pourtant un article très important, n’en est pas fort certaine, ces gens n’ayant point fait d’observation, ni le jour qui précéda leur entrée dans ce Port, ni celui qui suivit leur sortie. Cependant cette latitude ne sauroit être fort éloignée des 45° 30’ Sud, et la